L’étalon-or : une analyse approfondie

Les pièces d’or et d’argent ont toujours circulé parmi les commerçants et les marchands. Elles étaient reconnues et utilisées comme moyens de paiement ou monnaie. Avec l’avènement des temps modernes, les billets en papier sont apparus et l’usage s’en est répandu, à partir de villes-États en plein essor comme Venise, Gênes ou Florence. Les formes les plus fréquentes étaient soit les « Goldsmith Notes », soit les billets de banque. Les premiers étaient en quelque sorte des billets de dépôt négociables, émis par les orfèvres sur l’or qu’ils stockaient chez eux. Les seconds étaient des billets de banque couverts par de l’or et émis par une banque.

Collection de pièces d'or romaines
Les pièces d'or ont été utilisées pour le commerce depuis l'Antiquité.
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Les lettres de change se présentent également sous forme papier, mais se distinguent des billets de banque ou des billets émis par les orfèvres. Une lettre de change est une promesse de paiement contractuelle qui doit généralement être honorée au bout de trois mois (90 jours), par un échange contre de l’or physique. Contrairement aux billets de banque garantis par de l’or ou aux billets des orfèvres, une lettre de change a donc une date d’échéance bien définie, date à laquelle la lettre de change doit être réglée avec la quantité d’or mentionnée. Il s’agit donc d’un moyen de paiement qui s’appuie sur l’or.

Tandis que les lettres de change étaient surtout utilisées par les commerçants et relevaient de leur usage privé, ce sont les maisons royales qui finançaient leur crédit d’État par des billets de banque garantis par l’or. Avec l’invention de l’imprimerie et son développement, l’argent papier a connu un essor considérable. C’est ainsi que l’or et le papier (monnaie) ont coexisté et ont été étroitement liés, au moins depuis le début des temps modernes.

Les billets de banque garantis par l’or ont régulièrement fait l’objet de promesses qui n’ont pu être honorées : il faut comprendre par là que les billets n’ont pas pu être échangés contre la quantité prédéfinie de métal précieux. Il n’était pas rare que des guerres amènent des débiteurs – notamment des rois et des princes – au bord de l’insolvabilité, ce qui a affecté les banques qui les finançaient et les a obligées à supprimer l’obligation d’encaissement.

Le Peel Banking Act comme coup d'envoi

En Angleterre, le Peel Banking Act de 1844 a été adopté en réaction à ces événements récurrents. En fixant dans la loi une monnaie garantie par l’or, ce texte devait poser la première pierre d’un étalon-or imposé par les États et marquer ainsi durablement les 70 années suivantes. Le Bank Charter Act de 1844 prévoyait que seule la Banque d’Angleterre était habilitée à émettre de nouveaux billets de banque, lesquels devaient être couverts par une quantité d’or prédéfinie. Cette mesure a sans doute aidé la livre sterling à devenir la monnaie mondiale du XIXe siècle. En raison de ces deux actes législatifs, environ deux tiers des paiements du commerce international ont été effectués en livres.

Durant cette période, de nombreux pays étaient encore soumis à l’étalon-argent ou au bimétallisme, avec un système monétaire basé sur l’or et l’argent. Au cours du 19e siècle, la position de l’or par rapport à l’argent n’a cessé de s’améliorer. Avec la découverte d’énormes gisements d’argent aux États-Unis (Montagnes Rocheuses), un flot d’argent et donc un effondrement de son prix semblaient inévitables. En 1873, le Parlement américain décida d’abandonner l’argent, ce qui marqua le début de la démonétisation mondiale de l’argent.
Parallèlement, la France perdait la guerre franco-allemande en 1870 et était obligée de payer des réparations en or. Pour l’Allemagne nouvellement unifiée, qui bénéficiait ainsi d’un afflux d’or supérieur à la moyenne, l’introduction d’une monnaie impériale couverte par l’or semblait être une conséquence logique.

Ces événements historiques et l’interdépendance économique croissante des nations ont conduit à un abandon total du bimétallisme. Les pays étaient dépendants des deux États industriels les plus puissants, l’Angleterre et l’Allemagne. Même la France ou les États disposant d’un important stock d’argent, comme le Pérou ou le Mexique, se sont convertis à l’étalon-or.

Une période de prospérité

Entre 1870 et 1914, l’économie a connu une période de prospérité basée sur l’or. Le métal précieux jaune servait d’ancrage, reliant toutes les monnaies papier étatiques entre elles. Chaque monnaie d’or pouvait être échangée à tout moment contre une autre à un taux de change fixe. Le commerce international était facilité, ce qui favorisa une mondialisation des échanges. Grâce à la sécurité offerte par la base or, les partenaires commerciaux pouvaient conclure des contrats dans des régions très éloignées sans s’exposer à de trop grandes fluctuations de cours, ce que l’on appelle les risques de change.

Pièces britanniques Sovereign du 19e siècle
Pièces britanniques Sovereign de l'âge d'or de l'étalon-or
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Tant que les différentes banques centrales ont développé une politique équilibrée associant l’or à leur propre monnaie, une pratique courante à cette époque, elles pouvaient préserver leurs propres réserves d’or afin de maintenir la stabilité de leur monnaie et, en fin de compte, de l’étalon-or international.

Au XVIIIe siècle, le philosophe moraliste David Hume a décrit le mécanisme autocorrectif d’un système monétaire international basé sur l’or. Selon le mécanisme de flux prix-spécificité (price-specie flow mechanism), un pays dont la balance des paiements est déficitaire enregistrerait une sortie d’or et donc une réduction de la masse monétaire. En conséquence, le niveau des prix intérieurs diminuerait et la compétitivité intérieure augmenterait par rapport à l’étranger, ce qui aurait pour effet de corriger le le déficit de la balance des paiements. Pour les pays dont la balance des paiements est excédentaire, c’est exactement le contraire qui se produirait.

Certes, dans la réalité, les procédures et les processus sont plus complexes. En raison de ses coûts de transaction élevés, l’or présente une inertie non négligeable lors de son transport, en particulier au-delà des frontières nationales. Cet état de fait a toutefois été atténué par le système de lettres de change basé sur l’or, qui s’est établi comme instance de compensation (clearing house) de l’étalon-or classique, surtout au-delà des frontières internationales.

L’une des vertus du système monétaire international basé sur l’or était justement de permettre, malgré la souveraineté de certaines nations, une économie mondiale bien connectée et un ajustement semi-automatique des balances des paiements (principalement via le système de change). Tout cela a finalement été possible sans que les gouvernements des États n’aient à intervenir et sans qu’un savoir surhumain et une infaillibilité monétaire ne soient nécessaires de la part des gestionnaires de la monnaie.

Cependant, même pendant la période de l’étalon-or classique, il y a eu une expansion de la masse monétaire. Entre 1899 et 1914, l’économie internationale a connu une forte liquidité monétaire, due à une augmentation continue du stock d’or mondial. Cette expansion a atteint 3,5 pour cent par an entre 1890 et 1914, ce qui est nettement supérieur à la croissance annuelle moyenne de 1,5 pour cent entre 1866 et 1890. Cette liquidité accrue a finalement entraîné des volumes de transactions plus importants et des prix plus élevés.

En France, on a parlé de Belle Époque pour désigner cette période de 30 ans. Elle n’était pas seulement florissante d’un point de vue économique, elle a également donné lieu à des réalisations impressionnantes dans le domaine de la culture et des sciences. Dans le domaine de la physique en particulier, de nombreuses découvertes ont eu lieu. Ainsi, un certain Monsieur Röntgen a découvert les rayons X en 1895. C’est également à cette époque, vers 1900, que Max Planck a fondé la théorie quantique et qu’Albert Einstein a formulé sa fameuse théorie de la relativité. Rutherford et Bohr ont découvert de nouveaux modèles atomiques.

Une fin abrupte

Après le calme vient la tempête. Avant même le premier coup de feu de la Première Guerre mondiale, l’étalon-or classique a connu une fin abrupte. Dès le début de la guerre, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, l’Autriche-Hongrie et l’empire tsariste ont tourné le dos à l’étalon-or. L’obligation d’échanger les monnaies nationales contre de l’or a été brusquement annulée, car les différents pays voyaient leurs réserves d’or diminuer dans le cadre de la mobilisation pour la guerre. La convertibilité de l’or a été brusquement suspendue, notamment pour éviter les « ruées bancaires ».

Pendant la Première Guerre mondiale, les hommes politiques et les gardiens de la monnaie centrale ont été confrontés à un dilemme. En Allemagne, on a tenté d’augmenter les réserves d’or de la Reichsbank après le début de la guerre, afin de convaincre la population de s’accrocher au Mark. Au cours des deux années suivantes, les réserves sont effectivement passées de 1,5 milliard à 2,4 milliards.

Parallèlement, la suppression de l’étalon-or a permis de financer les soldats et les machines de guerre. Les États se sont endettés auprès de leur propre banque centrale, qui a commencé à imprimer et à mettre en circulation de l’argent qui n’était plus couvert par l’or. Cela n’aurait jamais été possible sans l’abandon de l’étalon-or.

Pour autant, les stocks d’or n’ont pas perdu leur importance pendant la guerre, puisqu’ils devaient avant tout servir à payer des importations massives. Cependant, l’or était de moins en moins efficace en tant qu’ancrage de la confiance dans les monnaies nationales. Ces dernières ont généré une bulle financière suite à la guerre.

Les puissances victorieuses ont exigé des paiements de réparation en or (ou en dollars) lors du traité de paix de Versailles, ce qui a quelque peu renforcé leurs monnaies nationales. Pour l’Allemagne, qui sortait perdante de la guerre, la perte de confiance dans sa propre monnaie était inévitable. L’hyperinflation de 1923 était donc une conséquence logique de la situation monétaire désastreuse de l’Allemagne.

Billet de banque Reichsmark avec valeur réimprimée
Billet de banque Reichsmark avec valeur réimprimée, symbole de l'inflation.
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L'or dans l'entre-deux-guerres

Après la fin de la Première Guerre mondiale, l’Angleterre a tenté de réintroduire l’étalon-or. En raison de l’augmentation de la masse monétaire, l’obligation d’encaissement ne pouvait pas être reprise à l’ancien taux de un pour un. Il fallut encore six ans pour que l’étalon-or soit rétabli.

En 1925, le trésorier de l’époque, Winston Churchill, a décrété le retour à l’étalon-or. Il s’agissait toutefois d’un étalon-or d’un genre un peu différent, sans la convertibilité de l’or à proprement parler, comme c’était encore le cas avant la guerre. Le Gold Standard Act britannique de 1925 a créé l’étalon-or (Gold Bullion Standard). Ce nouveau standard ne réintroduisait pas la circulation des pièces d’or. Au lieu de cela, la loi exigeait de la Banque d’Angleterre qu’elle vende de l’or sous forme de lingots, équivalant à environ 400 onces troy, contre des livres.

D’autres pays européens augmentèrent à nouveau considérablement leurs réserves d’or à cette époque. Le monde semblait revenir à l’ancienne valeur de l’étalon-or. Pourtant, des problèmes sous-jacents se profilaient déjà. D’une part, certains États tentaient de défendre leur propre monnaie et leurs réserves d’or. L’expansion massive du crédit à laquelle se sont livrées plusieurs banques centrales (la Réserve fédérale américaine en tête), même après la fin de la Première Guerre mondiale, s’est retournée contre elles en 1929 et a plongé l’économie mondiale dans une crise qui allait entrer dans l’histoire sous le nom de Grande Dépression.

L'étalon-or : un tigre de papier

On considère aujourd’hui que la réintroduction de l’étalon-or est à l’origine de la crise économique mondiale. Mais le raisonnement qui sous-tend cette affirmation est erroné à plusieurs égards. Ainsi, la réintroduction de l’étalon-or par les Anglais après la Première Guerre mondiale reposait sur un concept erroné du grand économiste David Ricardo.

Comme l’affirmait feu le mathématicien et théoricien monétaire Antal Fekete, un étalon-or n’a vraiment de sens que s’il prend la forme d’un étalon de pièces d’or (Gold Coin Standard).

Les propositions de Ricardo visaient à ce que la Banque d’Angleterre remplace complètement les pièces d’or en circulation par ses propres billets de banque. Ses billets ne devaient plus être échangeables que contre des lingots d’or de plus grande taille. De cette manière, la banque centrale anglaise aurait pu conserver son stock d’or, le seuil d’échange étant plus élevé en raison de la nécessité de disposer de lingots. Selon Ricardo, la convertibilité de l’or aurait été plus efficace du point de vue de la banque centrale.

Lorsque David Ricardo a présenté cette proposition au début du XIXe siècle, elle a été vivement critiquée. Fekete reproche à Ricardo d’avoir en quelque sorte imaginé un étalon-or sans monnaie-or. Aux yeux de l’économiste hongrois, la circulation des pièces d’or est une nécessité. En effet, ce n’est que lorsque les pièces d’or circulent et que les billets de la banque centrale peuvent être échangés contre ces pièces que chaque citoyen dispose d’un moyen efficace pour se défendre contre une inflation potentielle. Si la convertibilité des pièces d’or n’est pas assurée et qu’elle est remplacée par une obligation d’échange des lingots d’or, ce moyen de défense est fortement émoussé et l’étalon-or se révèle n’être qu’un tigre de papier, selon l’argumentation de Feketes.

Un étalon-or sans dispositif de compensation

Le professeur Fekete avance encore un autre argument pour expliquer pourquoi la réintroduction de l’étalon-or après la Première Guerre mondiale était vouée à l’échec. Le dispositif de compensation, si important pour l’étalon-or classique, sous la forme du marché des effets de commerce, a été détruit par la guerre mondiale et n’a pas été remis en place. Au lieu d’un système commercial multilatéral tel qu’il existait avant la guerre, les puissances victorieuses se sont prononcées en faveur d’un commerce bilatéral. Les Alliés pensaient ainsi pouvoir mieux contrôler l’industrie allemande, dont ils craignaient la productivité et la capacité d’innovation.

L’étalon-or a donc été réintroduit après la Première Guerre mondiale sous une forme altérée. De même, la réintroduction a été précédée d’une destruction économique et culturelle par la guerre, et la reconstruction a été faussée par une expansion sans précédent de la masse monétaire et du crédit.

Mais même cette forme édulcorée et donc moins fonctionnelle de l’étalon-or n’a pas été la seule cause de la crise. Ce qui est vrai, c’est que l’attachement des financiers à l’or après la guerre a présenté des inconvénients. Certains États ont continué à appliquer la théorie selon laquelle leurs propres réserves d’or devaient être protégées par des taux d’intérêt élevés. D’autres États, en revanche, ont fait le contraire en abaissant les taux d’intérêt pour stimuler la croissance intérieure. Cela a entraîné une fuite des capitaux vers les pays à taux d’intérêt élevés, où ces fonds ont provoqué une surchauffe de l’activité économique.

Cette situation s’est produite aux États-Unis, qui ont mené une politique de déflation rigide et protectionniste sous la présidence de Hoover. Le président Franklin D. Roosevelt s’est éloigné de l’étalon-or et a déclaré que la thésaurisation privée de pièces d’or, de lingots d’or ou de certificats d’or était interdite. Suite à cette mesure, les États-Unis ont pu à nouveau augmenter leur masse monétaire et, en même temps, leurs réserves d’or, car une concentration d’or entre les mains de l’État était inévitable. Cela a permis de lutter contre la crise économique mondiale, jusqu’à ce que la deuxième guerre mondiale éclate. La véritable raison de la grande crise économique est cependant plus profonde et doit en fait être recherchée dans les distorsions économiques et monétaires provoquées par la guerre et l’expansion du volume des crédits.

Le pseudo étalon-or de l'après-guerre

Pour financer la Seconde Guerre mondiale, les États qui avaient rattaché leur monnaie à l’or se sont éloignés de cette stratégie. Il s’en est suivi une nouvelle expansion de la masse monétaire et du crédit, encore plus importante dans son ampleur.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que le monde était à nouveau confronté à une tâche de reconstruction, différents chefs d’État et économistes se sont réunis à Bretton Woods, aux États-Unis. C’est lors de cette conférence que le système de Bretton Woods a été fondé. Il s’agit d’une sorte de pseudo étalon-or : alors que toutes les monnaies nationales étaient liées au dollar américain, ce dernier était quant à lui lié à l’or.

Les monnaies nationales de tous les pays avaient donc un taux de change fixe par rapport au dollar américain, qui pouvait encore être échangé contre une once d’or fin pour 35 dollars américains. Cette possibilité d’échange n’était toutefois réservée qu’aux autres banques centrales. C’est pourquoi on parlait dans ce contexte d’un standard de change d’or (Gold-Exchange-Standard).

Image de l'hôtel Mount Washington à Bretton Woods
L'hôtel Mount Washington à Bretton Woods a accueilli la conférence de Bretton Woods.
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Même si – ou justement parce que – le système de Bretton Woods a été conçu sous la forme d’une modélisation, ses auteurs ont commis une grave erreur de raisonnement. Le dilemme résidait dans le fait que les Etats-Unis devaient fournir des liquidités au reste du monde tout en maintenant la confiance dans sa monnaie garantie par l’or.
Au début, le pendule a penché du côté de la confiance. L’or a d’abord été transféré aux États-Unis afin de permettre au dollar américain d’assumer son statut de monnaie garantie par l’or. Mais après 1957, les réserves d’or américaines n’ont cessé de diminuer. D’une part, la guerre américaine au Vietnam exigeait une augmentation de la masse monétaire. D’autre part, les programmes sociaux adoptés par le président Lyndon B. Johnson ont également été financés en partie par de la monnaie nouvellement créée.

La confiance dans les États-Unis et leur capacité à échanger tout leur stock de dollars américains contre de l’or s’est progressivement effritée. Le balancier s’est inversé et les États-Unis ont commencé à s’endetter au détriment du reste du monde.

Le président français Charles de Gaulle annonça en février 1965 qu’il échangerait les réserves monétaires de la France en dollars américains contre de l’or. Seul De Gaulle augmenta la part d’or de ses réserves nationales à 86 pour cent. D’autres pays ont tenté de l’imiter, jusqu’à ce que finalement, le 15 août 1971, Richard Nixon, alors président des États-Unis, annonce à la télévision la fin du lien entre l’or et le dollar américain, scellant ainsi la fin du système de Bretton Woods. Avec cette mesure, le monde a définitivement abandonné l’ancrage à l’or et est passé à un étalon fiduciaire. Grâce à cette politique, le monde a été soumis à un standard dollar, le dollar à son tour à un standard d’obligations d’État et le crédit d’État a été largement subordonné à la politique.

Les avantages d'un véritable étalon-or

Comme nous l’avons déjà vu, pour qu’un étalon-or soit digne de ce nom, il ne suffit pas que la parité-or soit fixée par la loi. En d’autres termes, un étalon-or dans lequel une monnaie d’État est liée à un prix de l’or fixé par la loi ne doit pas être interprété comme un véritable étalon-or.

Du point de vue d’un citoyen ou d’un épargnant, la forme correcte d’un étalon-or est celle d’un étalon de pièces d’or. Ce dernier se caractérise par le fait que les pièces d’or, en tant que plus petite unité monétaire, ne sont pas seulement stockées mais doivent également circuler. Ainsi, la condition sine qua non d’un étalon-or est que celui-ci dispose de marchés libres pour l’or et que chacun soit autorisé à négocier librement de l’or, en particulier des pièces d’or.

Ce n’est que lorsqu’une pièce d’or circule, qu’elle est frappée et qu’elle peut être possédée, qu’elle peut exercer son pouvoir modérateur. C’est le grand avantage d’un étalon de pièces d’or : les citoyens d’un Etat peuvent apporter leurs billets à la banque et demander leur échange contre de l’or. Puisqu’elle doit en quelque sorte remettre la pièce d’or en échange du billet de banque ou de l’emprunt bancaire qu’elle a émis, la banque perd des réserves d’or. Cela a pour conséquence qu’elle doit ralentir l’expansion de ses billets de banque. Les pièces d’or dans les mains des citoyens constituent donc un moyen efficace de diriger et de contrôler la politique monétaire des banques.

Ce n’est que lorsqu’un étalon-or est conçu de cette manière que ses avantages et ses vertus peuvent être mis en valeur de manière durable. Si le citoyen a la possibilité, par le biais des pièces d’or, d’exercer une influence et un contrôle sur l’expansion de la masse monétaire, les taux d’intérêt peuvent être maintenus stables. Des taux d’intérêt de marché relativement stables étaient d’ailleurs la principale caractéristique d’un étalon-or fonctionnel, comme le montre l’histoire avant 1914.
Contrairement à ce que l’on pense généralement, un étalon-or fonctionnel n’assure donc pas la stabilité des prix, mais la stabilité des taux d’intérêt. La première n’est ni souhaitable, ni vraiment réalisable dans un monde dynamique où les préférences des acteurs du marché changent constamment. Des taux d’intérêt relativement stables sont plus décisifs. Si les taux d’intérêt fluctuent trop fortement en raison d’une politique monétaire libre (non liée à l’or), on assiste à un arbitrage des taux d’intérêt via une spéculation excessive sur les obligations. Cette dernière ne fait que déséquilibrer davantage les taux d’intérêt, si bien que ceux-ci tendent vers zéro, ou deviennent négatifs, ce que nous avons pu voir au cours des dernières décennies.

En raison de la stabilité des taux d’intérêt, l’étalon-or fonctionnel se caractérise également par sa constance et la stabilité du système. Comme l’or est à la base de tout le système, les régimes monétaires des nations participant à l’étalon-or reposent sur un dénominateur commun. L’or est le dénominateur principal et fait office d’unité de compensation ultime. Les coûts de transaction sous forme de risques de change sont beaucoup moins importants que dans un étalon fiduciaire. Par conséquent, il n’est guère nécessaire de disposer de mécanismes aussi importants que ceux qui existent aujourd’hui pour couvrir de tels risques.

Les inconvénients d'un étalon-or

Les inconvénients d’un étalon-or fonctionnel existent surtout aux yeux de ceux pour qui l’argent doit avoir une élasticité inhérente. L’or est une monnaie physique et ne peut donc pas être étiré ou créé à volonté. Comme l’or sous sa forme physique ne peut être multiplié qu’à un coût marginal en constante augmentation, de nombreux économistes considèrent qu’un système financier entièrement basé sur l’or est hautement dysfonctionnel.

On avance souvent l’argument selon lequel il n’y aurait jamais assez d’or par rapport à notre performance économique mondiale. La quantité optimale de monnaie et donc d’or fait toujours l’objet d’un débat acharné entre les économistes. Pour les uns, n’importe quelle offre de monnaie et donc d’or est suffisante, car le marché régule en fin de compte le bon rapport aux biens par le biais du prix. Pour d’autres économistes, l’or est tout simplement trop rigide et inélastique, ce qui débouche sur une spirale de déflation sans fin, rendant toute économie impossible.

Bien sûr, on pourrait aussi extraire plus d’or en cas de besoin pour compenser les pénuries de l’offre. Mais cela n’aurait-il pas pour effet de rendre les prix plus volatils, ce qui compliquerait à nouveau l’économie ? Probablement moins que prévu, l’influence de l’or nouvellement extrait sur le prix de l’or étant négligeable en raison de la thématique stock-flux. En d’autres termes, une éventuelle extraction massive d’or dans le cadre de la réintroduction d’un étalon-or ne devrait pas nécessairement faire plonger le prix dans un gouffre.

Nonobstant ces arguments, un soi-disant étalon-or à 100 %, dans lequel la monnaie existante n’est constituée que de pièces d’or ou de certificats d’or couverts à 100 % par de l’or, est en effet peu souhaitable en raison d’un manque de flexibilité. Une économie doit impérativement pouvoir fonctionner à crédit, avec un certain degré d’effet de levier. Les niveaux supérieurs du crédit doivent être ancrés dans l’or en tant que monnaie robuste. C’est la seule façon de garantir à long terme que le système financier ne souffre pas d’une bulle incontrôlable.

Comme l’histoire de l’humanité le montre, cet ancrage n’a pas tenu. Sans pointer du doigt une seule institution, l’intérêt de créer de l’argent à partir de rien a toujours existé. En tant que monnaie forte, l’or a toujours fait obstacle à ce désir des États, des entreprises, des institutions et des débiteurs.

Lingots d'or sur les billets en dollars américains
La couverture or du dollar américain a tenu longtemps par rapport aux autres monnaies.
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Relation entre l'or et l'étalon fiduciaire actuel

De ce point de vue, l’or et la monnaie fiduciaire ne sont pas à proprement parler antagonistes. Le système financier qui a commencé avec l’or et qui a été continuellement adapté donne l’impression d’être aujourd’hui à un stade final, avec ses monnaies fiduciaires. Alors que le lien entre l’or et toutes les formes de papier-monnaie était autrefois plus fort et direct, il est aujourd’hui de plus en plus indirect et faible.

Même s’il est marginalisé par les obligations d’État, l’or est toujours le fondement et donc l’actif de réserve de notre ordre financier traditionnel. Le fait que les banques centrales aient toujours des réserves d’or sur leurs bilans – et que certaines les aient même augmentées au cours des dernières années – montre que l’importance de l’or dans notre étalon fiduciaire actuel n’a pas disparu.

Si les monnaies fiduciaires étatiques étaient au-dessus de tout soupçon et si elles s’étaient effectivement émancipées avec succès de leur ancien fondement, les banques centrales seraient les dernières à devoir détenir de l’or. Toutefois, le métal jaune sert encore de réserve de valeur et de protection contre l’inflation et la dévaluation de la monnaie fiduciaire, ainsi que comme assurance contre un éventuel effondrement du système.

Comme décrit précédemment, la réintroduction d’un étalon-or serait optimale si elle prenait la forme d’un étalon de pièces d’or. En complément, il faudrait qu’un marché de papier fiduciaire fonctionnel se développe. En fin de compte, il faudrait un marché libre de l’argent-or, qui devrait être soumis à une obligation d’encaissement irrévocable.

Aperçu des réserves d'or

Le graphique suivant donne un aperçu des réserves d’or détenues par les banques centrales. Il montre les 16 pays du monde qui possèdent officiellement le plus de réserves d’or. Ces réserves sont mises en relation avec le nombre d’habitants. Parallèlement, la valeur en pourcentage des réserves d’or par rapport au produit intérieur brut ainsi que la valeur en pourcentage des réserves d’or par rapport au total du bilan des banques centrales correspondantes sont affichées.

En termes absolus, ce sont les États-Unis qui disposent des plus grandes réserves d’or, suivis par l’Allemagne et l’Italie. Par rapport à la population, la Suisse se distingue. En effet, on y compte environ 121 kg d’or pour 1000 habitants. En ce qui concerne la valeur des réserves d’or par rapport au produit intérieur brut, la Suisse est également loin devant, avec la Russie et le Portugal. Mais c’est le Kazakhstan qui possède la plus grande valeur en or. Le pays possède proportionnellement tellement d’or que ses réserves d’or représentent plus de 95% du total du bilan de la banque centrale.

Pays Réserves d'or en tonnes (absolu) Réserves d'or par rapport à la population (en kilos pour 1'000 citoyens) Valeur des réserves d'or par rapport au PIB (en pourcentage) Valeur(janvier 2021) des réserves d'or par rapport au total du bilan de la banque centrale ÉTATS-UNIS
USA
8’133,5
24,72 kg
2,48 %
6,92 %
Allemagne
3’362,4
40,51 kg
5,33 %
11,83%
Italie
2’451,8
40,61 kg
7,37 %
11,47%
France
2’436,1
36,37 kg
5,49 %
9,01%
Russie
2’299,3
15,91 kg
8,66 %
26,2%
Chine
1’948,3
1,4 kg
0,89 %
2,08%
Suisse
1’040
121,71 kg
9,2 %
5,85%
Japon
765,2
6,05 kg
0,96 %
0,7%
Inde
668,2
0,49 kg
1,53 %
10,5%
Pays-Bas
612,5
35,44 kg
4,2 %
6,56%
Turquie
606,6
7,4 kg
4,93 %
24,13%
Taïwan
422,7
17,78 kg
4,17 %
4,63%
Portugal
382,5
37,2 kg
9,95 %
14,97%
Kazakhstan
381,7
20,88 kg
13,33 %
95,27%
Arabie saoudite
323,1
9,56 kg
2,57 %
4,2%
Royaume-Uni
310,3
4,66 kg
0,68 %
1,62%

Mise à jour : octobre 2020

Conclusion

Comme le montre cette analyse, le thème de l’étalon-or est très vaste et doit être considéré sous les aspects les plus divers. Malheureusement, les contributions, les jugements et les interprétations des économistes actuels sont souvent trop tendancieux et témoignent d’une compréhension superficielle du sujet. Comme souvent, le diable se cache dans les détails de l’étalon-or.

Pour comprendre un tant soit peu l’histoire, il faut des définitions et des classifications claires. Ce sont les premières qui permettent de discuter avec profit des avantages et des inconvénients d’un étalon-or. Avec cette publication, nous espérons avoir contribué de manière constructive au débat sur l’étalon-or.

Le monde – c’est-à-dire les États – reviendra-t-il un jour à l’étalon-or ? Nous ne le savons pas. Ceux qui se sont libérés de leur joug doré ne sont guère incités à s’y soumettre à nouveau. Mais peut-être les États devront-ils le faire un jour pour pouvoir rétablir la confiance. C’est-à-dire lorsque l’étalon fiduciaire arrivera à son terme et devra revenir à ses racines, l’or.

Quoi qu’il en soit, l’investisseur a d’ores et déjà la possibilité de détenir son patrimoine en or ou en argent. Pour une conservation sûre et séparée des banques, Swiss Gold Safe offre dès aujourd’hui la référence en or parmi les services de coffres-forts. Ceux-ci sont indépendants des banques, offrent une discrétion absolue, sont assurés et appartiennent à des particuliers.

Résumé

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